samedi 7 juillet 2007

Face Nord du Vignemale

Cette fois pas de loose ! Et peut être (que dis-je peut être, sûrement !!!) la plus belle course de ma vie.

Tout n'avait pourtant pas commencé sous de meilleurs auspices. Mercredi soir, je suis bien crevé, mais je vais quand même grimper avec Cédric et Basu et ça ne manque pas : après quelques vois, une douleur bien connue derrière la cuisse (celle des crochets de talon).
Jeudi matin, ça va déjà mieux, et on se fait une petite veillée d'arme chez Romain et Claire qui nous nous fait une petite interrogation pour vérifier qu'on connaît bien le topo (en tous cas on le connaît moins bien qu'elle).

Vendredi, journée de boulot à fond, je mets la dernière virgule à mon rapport et je pars en courant à 16h30. Je passe chercher Romain, on passe un bon quart d'heure dans les embouteillages, mais finalement, ça roule bien jusqu'à Pont d'Espagne - à peine 2h30 de route. Montée au refuge des Oulettes à la fraîche, au milieu des chamois, et avec un magnifique coucher de soleil sur la face Nord qui émerge des nuages. Grandiose ! On arrive au refuge alors que les gardiens sont entrain de ranger.

Samedi, on a mis le réveil à 4h, mais à 3h45, nous sommes tous les deux réveillés, et nous nous levons. On avale sans grand appétit le plateau déjeûner, et on se met en marche sous un magnifique ciel étoilé, à la lueur de la lune. La face et là, en face de nous, révélée en ombre chinoise. L'approche est plutôt tranquille à travers le large replat qui sépare le refuge du glacier. On chausse les crampons et on s'encorde dès qu'on arrive à la neige. Celle-ci porte bien et, en louvoyant quelque peu, on passe en évitant les cailloux et les crevasses.
Nous arrivons au pied de la voie alors que le jour pointe à peine. on peut tout juste enlever les frontales. On passes quelques minutes à repérer la voie (il y a plusieurs filons d'ophite !), juste le temps d'y voir clair.

Romain attaque le premier. Première longueur magnifique en suivant le filon de rocher vert sur de bonnes prises et assurés sur de bons pitons. Même avec l'onglée, ça me semble plus facile que la cotation annoncée (5). Mes doigts se réveillent au bon moment pour attaquer la deuxième longueur, un petit dièdre qui se protège très bien, puis très facile jusqu'à une bonne terrasse.

La température est prise: on est sensés avoir fait le plus dur on n'est pas vraiment allés au bout de nous mêmes. On fait quelques anneaux de buste, et on repart, encordés à 30m. Au moment de quitter le relais, une deuxième cordée nous rejoint. Ils m'annoncent fièrement qu'ils ont pris une corde de 70m pour doubler toutes les longueurs. Nous, on part en corde tendue avec 30m de corde : on ne les reverra plus ! Ils ont dû mettre 3h de plus que nous.

Je relaie Romain après 150m d'escalade au moment de traverser vers l'arête intermédiaire. On n'ouvre même pas le topo, l'itinéraire est évident, le rocher globalement sain, voir très bon lorsqu'on grimpe sur le filon d'ophite. Je grimpe ainsi environ 150 à 200 m en évitant les ressauts les plus rébarbatifs par la gauche avec quelques jolis passages d'escalade qui doivent coter 4.
C'est là que survient la première mésaventure de la journée : alors que j'escalade le fil de l'arête, j'entends un bruit de ferraille et découvre horrifié le jeu de coinceurs, trois friends et une dégaine coincés entre mes pieds et la corde : le porte matériel de mon baudrier, bien fatigué, a choisi ce jour précis pour finir sa carrière. Je récupère le tout acrobatiquement. j'en suis quitte pour de bonnes sueurs froides. Mais environ 20m plus loin, rebelote ! Le porte matériel de derrière cède à son tour. Je parviens à sauver mon marteau et un mousqueton a vis, mais laisse échapper un autre mousqueton (le plus récent, comme il se doit). Je rapatrie tout le matériel sur les porte matériels du sac. Ouf....

Après ces frayeurs, Je relaie sur une terrasse et Romain prend la tête. Après 100 m de très belle escalade, le plus souvent sur le fil de l'arête en bon rocher, et un contournement de gendarme par la gauche, il m'attend au pied d'un gendarme à l'air rébarbatif. On repère une ligne de fissure sur la gauche (il nous semble nous rappeler que le topo dit qu'il faut contourner tous les gendarmes à gauche). Je gravis une longueur de bon 4+ sur un rocher demandant de l'attention et trouve un relais sur deux pitons sur une minuscule vire inconfortable au pied d'un surplomb. Romain me rejoint et tente de gravir le surplomb en libre, mais il n'y a rien, sauf une prise qui lui resterait certainement dans les mains s'il tirait dessus. Tant pis pour le style, on passe tous les deux en tirant sur les pitons fort opportunément laissés en place. Quand même, en libre, ça doit faire beaucoup plus que du 4+, plutôt du 6b...
En attendant, j'ai les fesses toutes mouillées. J'attribue cela au fait que je me sois assis dans la neige pour mettre mes chaussons et qu'un bloc a dû se prendre dans les sangles de mon baudrier et fond petit à petit. C'est quand même très désagréable.

On arrive à la fin de l'arête intermédiaire. Encore un joli passage en dièdre, et on entame la traversée à gauche vers la vire de schistes. C'est le seul passage de la voie qui ne se protège pas, mais c'est aussi le plus facile. Une fois sur l'arête, on peut de nouveau placer des protections.
Cette partie terminale de la voie est très surprenante : on s'attendait à trouver un rocher pourri, et en fait, c'est presque là qu'il est le meilleur. La voie est ici équipée d'un piton ou d'un spit tous les 10-15m et ça grimpe sur de belles dalles rouges. Romain me relaie pour traverser sur la droite et rejoindre l'arête de Gaube où l'escalade continue, toujours aussi belle. Dernier relais, et je force la dernière cheminée qui donne accès au sommet où nous attendent les foules espagnoles.

Voilà, c'est fait ! Cette course dont on rêvait depuis bien longtemps, on l'a super bien gérée, en ne tirant que 4 longueurs, avec 11 relais en tout et pour tout, en 6h, soit le temps indiqué par le topo. Pour 800m de paroi, c'est quand même pas mal ! Ça vaut bien une petite gorgée de génépi !

La course fut fantastique... la descente un peu moins.
Premier constat : ce qui me mouillait les fesses n'était pas un bloc de neige mais mon camelback qui se vidait progressivement dans le fond du sac. Il ne me reste donc plus d'eau, et tout ce que j'avais dans mon sac est trempé....
Deuxième constat : on ne trouve plus le camalot n°3. Je l'avais posé dans une traversée juste avant la cheminée sommitale, mais Romain ne se souvient plus de l'avoir vu. manifestement j'ai dû oublier de le mousquetonner et il doit être bien planqué au fond de sa fissure. Vu le prix de la bête, c'est assez rageant, surtout après l'avoir sauvé d'une disparition beaucoup plus tragique au milieu de la voie.
Troisième constat : j'ai mal au ventre. En général, je n'ai jamais beaucoup d'appétit en montagne, mais là c'est franchement pas la joie, entre crampes d'estomac et nausées...
Quatrième constat : Romain a aussi mal au ventre, reliquat de son virus qu'il traîne depuis deux semaines.

C'est donc dans un état un peu second qu'on entame la descente de la voie normale en essayant de ne rien faire tomber sur les espagnols qui montent au sommet sans casque et manifestement sans grande technique alpine. Ça a beau être facile, une chute ici ne serait pas sans conséquence. On a l'impression d'évoluer dans une foule d'inconscients.
Descente du glacier sans histoire, mais après il faut remonter à Bayselance, et là nos ventre nous rappellent qu'il y a quand même 100m de dénivelé qu'on parcourt péniblement. Petite pause au refuge, histoire de refaire le plein d'eau, et on finit de remonter à la Hourquette d'Ossoue où la vue sur la face nord qu'on vient de gravir est à tomber par terre. Là, ça fait vraiment haut !
Descente très pénible en se traînant jusqu'au refuge des Oulettes complètement plein et où on peine à nous servir à manger ! Une bonne bière réparatrice plus tard, et on reprend la descente beaucoup plus tranquille sur Pont d'Espagne qu'on regagne à peine 24h après l'avoir quitté, mais beaucoup moins frais !

Bref, ce fut une grande et belle journée d'alpinisme, avec une magnifique réalisation à la clé, dans un super style et on bon horaire, sur une montagne fantastique et sur la plus haute paroi des Pyrénées françaises. Un vrai rêve.

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Bravo, très beau récit.
ça donne envie d'y aller !

Anonyme a dit…

Salut Rémi, merci de ton blog sur le Vignemale. Il m'a donné envie d'y aller, et j'y étais hier: c'est vraiment très beau, comme tu le dis si bien. On a BIEN cherché ton camalot, mais... pas vu (p'être qu'on n'est pas passé au même endroit). Sorry! Bon faut que j'mette mes photos sur ma page
http://fcorpet.free.fr/Denis/Vignemale.html

Anonyme a dit…

Si Denis a mis son commentaire, je mets donc le mien...

Beau récit et félicitation pour cette course super bien gérée.

Nous non plus nous n'avons pas trouvé votre camalot... Tout comme les Marseillais de derrière, qui en étaient fort contrits !

A un de ces jours en paroi, qui sait ... ?

Rémi a dit…

Epilogue... ou presque

Finalement, c'est une cordée marseillaise qui a gagné la course et qui a retrouvé mon friend, peu avant le passage de Denis et François !
Fin de l'histoire ? Pas tout à fait puisqu'il faut à présent que j'aille le récupérer au refuge des Oulettes... c'est assez tendu avant les vacancess !

olivier a dit…

Quand tu remonteras chercher ton camalot, profite du voyage pour gravir l'éperon nord ouest de la pointe Chausenque: Si tu as aimé la face nord de la Pique Longue, ton amour pour le massif devrait aller jusqu'au délire.