mardi 30 octobre 2007

le Hoggar -2- Tissalatine - le jardin d'Eden

Nous arrivons à "Tam" à 3h du matin, complètement décomposés (on ne dit pas encore "cadavré", mais c'est tout comme). Nous faisons vaguement la connaissance de Mohammed, notre guide, qui nous emmène dormir chez lui, à la belle étoile dans son jardin.

Le lendemain, nous sommes debout à l'aube, au chant du coq (et du muezzin). Nous prenons le petit déjeuner avec Mohammed et Larsen, notre cuisinier, puis direction Tamanrasset pour acheter les chèches et la menthe fraîche.

Nous prenons ensuite la route pour le désert. Après quelques kilomètres de route goudronnée, nous tournons à droite sur la piste de Tagmart pour nous rendre à Tissalatine. Les paysages sont époustouflants : nous traversons des oueds aux lits de sable jaune, entrecoupés de plateaux rocailleux et gris. La végétation se réduit à des acacias - très jolis arbres d'ailleurs - et quelques buissons piquants. au loin se dressent des pics dressant leurs orgues basaltiques vers le ciel.










Après avoir traversé le village de Tagmart bas, petite oasis de verdure avec ses potagers et ses cabanes de paille, nous traversons le grand oued et découvrons Tissalatine. Les montagnes sont incroyables : trois grands dômes de basalte lisses comme la main, sur lesquels sont posés les restes d'une croûte fracturée, blocs erratiques parfois surréalistes. Entre les dômes sinuent de petits oueds sableux. Nous nous arrêtons au pied d'un gros bloc, sous un acacia. Juste au dessus, les voies d'escalade.

Larsen nous a préparé des sandwiches, et nous partons pour notre première voie : la Tortue. Elle se déroule sur le troisième dôme. L'approche est minimaliste : à peine 15 minutes - le cadre est paradisiaque, dans un décor de création du monde.
Cédric attaque la première longueur, théoriquement en 4c+. En fait, sur 45m de dalle bien lisse, il n'y a que 4 points et le rocher n'est pas irréprochable : on croirait la peau d'un immense animal qui se craquelle sous l'effet de l'air sec. Du coup, il se délite en de grosses écailles qui sonnent creux et ne sont pas trop rassurantes - en plus le rocher est brûlant. En fait, ça tient généralement bien, mais il faut s'habituer. Finalement, Cédric arrive en haut de sa longueur et ne souhaite pas continuer à grimper en tête...
Je poursuis donc par deux très belles longueurs, théoriquement en 5a et 5b, mais qui seraient plutôt 5c/5c+ d'après nous. Cela dit, l'équipement est irréprochable et l'escalade magnifique.
Ensuite, on poursuit par des rampes beaucoup plus faciles où il faut sortir les friends.

Et puis c'est le sommet du dôme. Nous sommes seuls au monde dans ce paysage fabuleux qui étale ses jaunes, ses ocres et ses gris à l'infini. la descente se fait sur une immense dalle arrondie qu'on prendrait pour la trompe d'un immense éléphant.









Retour au bivouac.
Premier thé traditionnel - il est cuit avec l'eau pendant longtemps, puis mélangé avec une grande dose de sucre en le versant de très haut (le geste traditionnel du thé africain). on en sert trois consécutif : le premier, encore très chargé en tanins, est "fort comme la mort"; le second, beaucoup plus doux, est "doux comme l'amour"; le troisième, additionné de menthe fraîche, est "beau comme la vie". Pour le déguster, il faut trois choses : du temps, des amis, et du feu.
C'est vrai qu'elle est belle la vie, avec pour seul toit les étoiles (la nuit tombe vite), pour seule lumière les braises du feu de bois, et pour seule musique notre conversation avec Mohammed qui se révèle être un intarissable bavard ! En tous cas, c'est super sympa.
Le repas, préparé par Larsen, est délicieux : soupe au blé et ragoût de jeune chameau aux légumes. Petite curiosité : la viande de chameau est achetée fraîche, mais pour la conserver pendant une semaine, il faut la faire sécher... suspendue au toit du 4x4. Mais en fait, c'est très bon.
Le soir, les moustiques viennent nous assaillir. En tentant d'en écraser un, je me donne une gifle et je me crève le tympan ! L'accident bête ! C'est assez douloureux et bien gênant surtout, mais bon, il paraît que ça se répare tout seul.

Le lendemain, nous partons faire la voie du Rhinocéros, qui présente l'avantage d'être à l'ombre. Pour cela, il faut contourner les dômes par le Sud en traversant de petits oueds où nous croisons un lièvre. L'attaque se situe à droite d'une grosse écaille décollée caractéristique, en haut d'un énorme chaos de blocs.
L'escalade est fantastique : trois longueurs de dalle exceptionnelle, notamment les deux premières en 6a+, soutenues, fines, sur de petites réglettes : c'est vraiment mon style d'escalade préféré !



Au bout de trois longueurs, on regrette d'avoir déjà fini. La descente du premier dôme est très amusante : la première carapace qui recouvre le dôme forme de grandes crevasses : on se croirait sur un glacier. Finalement, le passage se fait en descendant dans une crevasse pour ressortir au niveau inférieur, sur le dôme lisse. Le paysage est toujours aussi grandiose.










On revient au bivouac pour un petit repas à base de crudités - je n'ai jamais mangé autant de légumes que pendant ce voyage !

Puis nous repartons, Romain et moi, pour faire le Poids et la Mesure, une voie dont le commentaire dans le topos de Thomas Dulac nous fait fantasmer depuis longtemps.
En fait, la première longueur est une renfougne assez immonde en 6b bien corsé. Vraiment pas facile - c'est sûrement le passage qui nous aura posé le plus de problème des vacances.
La deuxième longueur est celle de la mesure : il faut passer dans un tout petit trou après avoir gravi une cheminée lisse en opposition. C'est moi qui m'y colle, et je dois dire que j'ai vraiment peiné : c'est déjà pas facile de sortir les bras, mais une fois qu'on y est arrivé, on se retrouve avec les jambes coincées ou qui pédalent dans le vide.. vraiment très rigolo ce passage. La suite est sympa avec un passage d'un mur raide assez classe.












La troisième longueur est une dalle magnifique dans le style de Rhinocéros.
Et la quatrième longueur est celle du poids : elle consiste à escalader un énorme bloc à l'équilibre improbable, posé sur le rebord du deuxième dôme. Après un petit réta, un petit passage de dalle et hop, c'est le sommet ! Juste à ce moment là, Cédric et Claire arrivent par la voie normale. Rappel en plein vide pour descendre et coucher de soleil magnifique.









Retour au bivouac en 5 minutes, soirée thé, discussion avec Mohammed. Nuit à la belle sous un ciel merveilleux.

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