mercredi 7 novembre 2007

le Hoggar -4- Les Tizouyag et la montagne de l'Atakor


La deuxième semaine de notre voyage commence. Après une bonne nuit réparatrice chez Mohammed, seulement troublée par son hérisson qui passe la nuit à courrir autour des matelas, nous prenons la route mythique de l'Assekrem.

Enfin, route, c'est une façon de parler : il s'agit plutôt d'une piste qui empire à mesure que l'on monte dans la montagne. Pour couvrir les 80 km qui nous mènent dans la montagne, il nous faudra plus de 4h !

Il faut dire qu'on prend notre temps, vu qu'on a la journée. Au début, la piste suit l'oued qui descend sur Tamanrasset ; on passe au pied de pics impressionnants : l'Ihaghen (prononcer Iharen) et l'Adaouda.



Puis la piste commence à monter. On déboucha alors sur un plateau désolé, recouvert d'une rocaille grise et uniforme, battu par le vent ; pas la moindre trace de végétation sur des kilomètres. A l'horizon, une puissante chaîne de montagne se dresse : l'Atakor, le point culminant du Hoggar et de l'Algérie. On distingue la lame effilée de l'Ilamane, le dôme placide du Tahat, le point culminant, le plateau de l'Assekrem, où le père de Foucault avait établi son ermitage et où tous les touristes montent voir le coucher du soleil, les pics élancés des Tizouyag où nous allons grimper, et puis toute une foule de sommets et de pics inconnus, peut être sans noms et jamais gravis.

A ce plateau en succède un autre, puis un troisième. Puis on bascule soudain dans une vallée. Tout au fond coule un petit ruisseau : la guelta d'Affilal, l'un des seuls point d'eau permanent du massif. Nous partons nous promener le long de ce petit miracle niché au fond de ce désert hostile.
Puis nous reprenons la piste qui ressemble de plus en plus à une piste de montagne. Nous passons au pied des Tizouyag, et nous allons nous garer au pied de la plus belle aiguille du coin, la Sawînan.



On pose le camp. L'atmosphère a complètement changé par rapport à Tesnou : les nuages ont disparu, mais un vent glacial souffle. Très vite, le soleil disparaît derrière la Sawînan et la température chute à 10°, puis 5°, et peut être moins pendant la nuit.
Dans ces conditions, le repas, toujours à la belle étoile, et vite expédié et on va se réfugier, qui dans son duvet de compète (moi), qui dans sa tente (Cédric, Mohammed et Amoud).
Avant de m'endormir, je contemple le plus beau ciel étoilé qu'il m'ait été donné d'admirer. Quelques étoiles filantes.

Notre campement est orienté à l'Est : glacial le soir, il prend le soleil tôt le matin. Aussi prenons nous un petit déjeûner des plus agréable.









Objectif du jour : la Nouvelle Lune, une voie toute équipée au Tizouyag Sud.
Nous sommes 3, car Claire n'est pas très motivée et toujours un peu malade. Et puis bientôt, nous ne sommes plus que 2 : Cédric a dû manger quelque chose de pas terrible : il passera deux journées bien difficiles à essayer de s'en remettre en nous regardant grimper des voies magnifiques. Vraiment pas de chance pour lui - c'est un peu la dure loi de ce genre de voyage. En tous cas on pense bien à lui en enchaînant les longueurs d'anthologie de la voie. Celle-ci remonte les orgues basaltique de la face Ouest du Tizouyage Sud : c'est mythique !

L1: Beau mur raide sur un pilier, avec d'énormes réglettes crochetantes - 6a
L2: Longueur du même style - 6a magnifique
L3: Le pilier se couche - belle dalle en 5b
L4: On traverse à gauche pour rejoindre un autre pilier qu'on remonte par une dalle d'anthologie - 6a sur petites prises dans un rocher très travaillé, comme atteint d'une maladie de peau. Le rocher est excellent même si son aspect un peu cartonné n'inspire pas une grande confiance.
L5: On continue dans la même dalle - 5c toujours aussi majeur
L6: Et encore une dans le même style, on ne s'en lasse pas !!! 6a
On arrive au sommet d'un pilastre d'où on descend en rappel.
L7: On rejoint un autre pilier dont le rocher est plus travaillé que le précédent - l'escalade et donc un peu plus facile (5c) mais toujours aussi belle.
L8: La balade continue - 5b
L9: Le passage clé avec de jolis mouvements sur inversées pour passer un petit bombé - 6b
L10: Une dernière dalle technique mène au sommet du pilier - 6a
L11: Une petite traversée permet de gagner l'ultime tuyau d'orgue qui arrive juste au sommet - 5b
Quelle voie magnifique. C'est de la très très belle escalade sur un rocher très déroutant : ça sonne un peu creux, ça a un aspect un peu cartonné, mais c'est finalement assez solide et surtout ça a une adhérence assez exceptionnelle.










Et puis quel sommet d'anthologie, planté en plein coeur de l'Atakor, au milieu de cette forêt de pics plantés à l'emporte pièce dans des plateaux arides de rocaille grise. Seuls au loin quelques oueds apportent une petite variété de coloris.




vacation radio au sommet





La descente du sommet par la voie normale est assez facile. On rejoint Claire au col entre les deux Tizouyag, puis Cédric au bivouac. C'est pas la grande forme : labas pas.

Pour cloturer dignement cette belle journée, Romain et moi allons escalader la Sawînan qui surplombe notre campement. On attaque le Dièdre Nord alors que le jour décline. Yalla Imchi, faut se dépêcher !
<=L1: dièdre en diagonale à droite sur un rocher demandant de l'attention - protections pas toujours évidentes à placer
L2=>: longueur magnifique en fissure
L3: il faut passer une chatière en rampant, puis gravir une cheminée en renfougne - pas facile à protéger.
J'arrive au relais alors que le soleil décline doucement derrière les montagnes. Romain a beau se presser, il arrivera trop tard. On a attaqué quelques minutes trop tard.










Descente en trois rappels en face Sud aux dernières lueurs du jour, et retour au campement à la frontale. On sait le but proche lorsque l'on sent l'odeur du feu - un bon thé nous attend.
La soirée est un peu moins fraîche que la précédente. On apprend à jouer au trouduc à Amoud. Ca c'est grave ! Encore une soirée sympa et un très bon repas - Cédric va un petit peu mieux.

En ouvrant mon duvet : les premiers rayons du soleil sur la Sawïnan

Encore quelques minutes, et le soleil apparaît entre les Tizouyag


Le lendemain, nous partons toujours à deux, avec Romain, pour Deux Croiffants et un Affecrem, l'autre voie moderne du Tizouyag Sud.
L1: un petit pilier puis une cheminée - 5
L2: une renfougne, une chatière, et une autre renfougne (on commence à s'y faire) - 5
L3: une longueur en dalle très travaillée - 5
L4: un petit dièdre qui se tord dans tous les sens et finit en dalle - 5+ suréquipé
L5: une dalle exceptionnellement belle - 5 suréquipé
L6: la même - 4+
L7: la fin de l'orgue - 4+ / relais sur bloc en bout de corde










L8: un court dièdre qui mène à une brèche, une traversée de couloir - relais
L9: départ technique du relais - 5+ - puis petite cheminée pour sortir / relais sur bloc au sommet


Une méharée : il y a beaucoup de passage dans le coin !






Nous avons la surprise de croiser trois Savoyards au sommet. Ils ont fait un panaché Classique / Nouvelle Lune. Ca leur a bien plu. A leur menu, c'est saucisson : pas très Halal. Nous c'est un sandwich litéralement pantagruélique préparé par Amoud : concombre, mayo, tomate, oeuf ! Oui oui, ça tient à peu près dans une demi baguette. On rentre au campement tant bien que mal.









Nos voisins de bivouac : moula-moula et gerboise

Cédric va assez bien pour un grand tournoi de trouduc - c'est le jeu des vacances ! Même Romain réussit à devenir président.
Nuit étoilée fabuleuse. Lever de soleil toujours aussi féérique.

Au réveil, cédric va suffisamment bien pour monter à l'Assecrem avec Claire - 3h de randonnée pour se rendre à l'ermitage du Père de Foucault.
Romain et moi allons dans la voie mythique du coin, la Kohlman-Roussy au Clocher des Tizouyag, le plus beau sommet du groupe, fier et élancé.




L1: jolie fissure dièdre qui se protège très bien (trop : quelqu'un y a laissé son camalot n°3) - R1 sur 1 spit et 2 pitons
L2: longueur clé avec un apssage retors en dièdre en 6a - magistralement passé par Romain - R2 sur 1 spit et 1 piton
L3=>: le dièdre continue, encore très raide - 5c. Quelques écailles branlante rendent l'escalade un peu stressante mais ça se protège bien - R3 sur 1 spit et 2 pitons
L4: on finit le dièdre et on en sort à droite par une drôle de cheminée qui se gravit en dülfer - 5b. je me fais peur en manquant de me faire tomber dessus une grosse écaille - R4 sur bloc
L5: le départ au dessus du relais est péteux. Je pars à droite pour éviter de bombarder Romain. Rien ne tien et en plus c'est pas des masses protégeable. Je finis par gagner un bon dièdre qui mène à une belle traversée sur gros bacs - 5b - R5 sur 3 pitons.
Là, au lieu de faire le rappel classique, on se lance dans la sortie directe :
L6: fine fissure technique juste au dessus du relais; elle s'élargit ensuite pour devenir beaucoup plus dure avec des passages en off-width. Cotation 6a très sévère : pour l'avoir faite intégralement en libre en second, je la coterais bien 6b voire 6b+. Romain, de son côté, a laissé quelques pas d'artif en plaçant tous les points - belle perf.






Romain dans la dernière longueur, vu du bas





Eh voilà, c'est le sommet, grandiose, de cette fine et aérienne aiguille, définitivement réservée aux seuls grimpeurs. On en descend en rappel puis en désescalade facile. On se presse un peu car tout le monde nous attend au soleil au pied de la voie (alors que nous nous sommes caillés à l'ombre toute la journée, grimpant en polaire et coupe vent).

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